A l’arrivée des Européens en 1778, la culture Hawaïenne va subir une véritable destruction. La population, décimée par les épidémies et l’exclusion va passer de 350 000 à 30 000 à peine. A la fin du XIXème siècle, le surf disparaissant totalement de l’archipel Hawaïen.
Sous l’impulsion des pittoresques Beach-boys, il va renaître sur la plage de WAIKIKI au début des années 1900, grâce à Georges FREETHEN et surtout à Duke KAHANAMOKU (champion Olympique de natation en 1912), il va se mondialiser pour atteindre les U.S.A. et l’Australie et devenir très vite le second sport aquatique de la planète. Encore mal défini (planche de rame, moyen de sauvetage, jeu festif et touristique) le surf va connaître une évolution significative sous l’influence de Wally FROISETH, John KELLY et Woody BROWN avec la création du HOT CURL MODEL, planche en bois rouge, beaucoup plus étroite permettant de surfer la vague en travers. Dès 1939, de téméraires pionniers vont s’attaquer au lugubre NORTH-SHORE de l’Île d’OAHU. Ces folles tentatives seront endeuillées en 1943 par la disparition du jeune Dick CROSS à WAÏMÉA. Pendant l’entre-deux guerres c’est le boom du surf en Californie. L’automobile permet la découverte de spots, le commerce des planches s’installe. Le “Balsa”, léger, va remplacer le séquoia. Pendant la deuxième guerre mondiale le tissu de verre et la résine polyester apparaissent. Le génial Bob SIMMONS , à qui l’on attribue la paternité de la planche moderne va faire évoluer les shapes tandis que Joe QUIGG et Mat KIVLIN mettent au point le glaçage. Après Waïkiki, c’est à Malibu, en Californie, que se passent les choses et se développent, en particulier, les fameuses Malibu-boards. Le cinéma s’intéresse aux surfeurs comme DORA, EDWARDS, WEBER qui deviennent des stars. Le style évolue et devient théâtral avec le HOT-DOG-STYLE. Les premières planches en mousse et résine sont fabriquées par le shaper Hobie ALTER et le chimiste Gordon CLARK. Décontenancés par le tour hollywoodien que prend le surf à Malibu, attirés par une photo montrant George DOWNING, Wally FROISETH et Woody BROWN dans une vague géante à MAKAHA, certains vont refaire d’HAWAÏ le lieu de tous les challenges. Brisant les tabous, équipés de planches géantes (“Elephant Guns !”), les big-waves riders, watermen d’exception que sont Greg NOLL, Buzzy TRENT, José ANGEL, Mikie STANG, Pat CURREN vont s’attaquer aux monstres de WAÏMEA en 1957. Phil EDWARDS, pour sa part fera sauter des barrières psychologiques en 1961 en osant PIPE-LINE jugée jusque là impossible car trop dangereuse. En Australie, le surf a pris du retard tandis qu’au début des années 60 les compétitions vont fleurir en Californie et sur la Côte Est des U.S.A. Pour la première fois des “sponsors” vont investir dans le surf, et en 1962 la première compétition internationale se déroule à MAKAHA, à HAWAÏ. Les premiers championnats du Monde ont lieu en 1964, en Australie. Ils sont remportés par le local Midget FARRELY. Dès 1966, grâce au shaper Mac TAVISH, au designer George GREENOUGH et au surfeur Nat YOUNG, les planches raccourcissent brutalement : c’est la SHORT BOARD EVOLUTION et la mort du Hot-Dog-Style, du Nose et des Malibu-boards. On cesse de surfer la planche pour surfer la vague. Nat YOUNG devient champion du Monde en 1966. Les australiens comblent leur retard sous son impulsion et dominent le surf mondial. A Hawaï, le génial Dick BREWER crée des mini-guns (pocket -rocket) planches révolutionnaires par leurs courbes, fiables et dociles, permettant d’attaquer des vagues aussi rebutantes que Pipe-Line avec plus de sérénité. C’est la SHORT BOARD révolution, le véritable avènement de la planche moderne. La multiplication des compétitions va, dans l’émulation, créer une radicalisation de la manière de surfer, surtout dos à la vague (back-side) avec Raulf AURNESS puis Wayne LYNCH. Les premières Twin-Fin, planche à deux dérives conçues pour le petit surf apparaissent. A la fin des 60’s et au début des 70’s une formidable spirale du changement et de la contestation va ébranler les sociétés occidentales. Le Surf, comme le reste, va refuser toute forme d’autorité et de règles. Les voyages, les expériences diverses, la quête de la vague parfaite et du Tube, l’usage des stupéfiants, vont devenir les ingrédients de cette auberge espagnole qu’est le SOUL-SURFING. Dans cette mouvance, Pipe-Line la sauvage va devenir le centre nerveux de la planète surf. Formidablement surfée par l’hawaïen Gerry LOPEZ, cette vague magique et ultra médiatisée s’impose comme le cadre idéal pour assurer la promotion du surf business. Ironie du sort, le temple le plus pur du surf va aussi devenir celui des marchands et logiquement, voir naître le surf professionnel. Un formidable coup de pouce sera donné à ce circuit balbutiant en 1974, dans l’épreuve du Smirnof à Waïméa. L’Hawaïen Réno ABELLIRA triomphe dans des vagues de près de dix mètres. Le circuit mondial voit le jour en 1976, mis en place par Fred HEMMINGS. Le premier à remporter le titre mondial professionnel est l’australien Peter TOWNED. S’instaure alors un combat permanent, du fait essentiellement des australiens, pour mettre fin à la suprématie des Hawaïens. En 1976, en attaquant le Pipe de dos comme jamais personne ne l’avait fait auparavant, une poignée de jeunes iconoclastes australiens et Sud-africains (Rabitt BARTHOLOMEW, Marks RICHARDS, Shaun et Mickael THOMSON) vont faire passer le surf d’expression artistique au statut de sport à part entière. La réponse d’hawaïens de talent (Buttons KALUIHOKALANI, Larry BERTEMAN, Mark LIDELL, Dane KEALOHA, Mike HO) est immédiate. Sur les STINGERS, planche présentant un fort décrochement sur la partie arrière, ils vont utiliser les mouvements du SKATE-BOARD, radicalisant le surf. Mark RICHARDS sur sa TWIN-FIN, va dominer le circuit mondial de 78 à 82, contesté par le fantasque Cheyne HORAN. En 1981, le géant australien Simon ANDERSON, gagne le Pipe-Masters en imposant au monde entier l’incroyable fiabilité de son THRUSTER, planche à trois dérives ou TRI-FIN, jamais dépassé à ce jour. En 1979, le Lacanau-Surf-Club se lance dans l’aventure du circuit professionnel en créant le LACANAU-PRO. Parallèlement, l’I.S.A. (International Surfing Association) renoue avec les Championnats du Monde amateurs. En 1980, ils sont organisés par la France à Hossegor et Biarritz. Le français Arsène HAREHOE y prend une brillante 4ème place. En 1983, Hawaï crée la Triple-Crown, combiné des trois épreuves hawaïennes. Cette couronne prestigieuse va longtemps rester une affaire de famille pour les frères Ho mais les Australiens Garry ELKERTON et Tom CARROLL seront aussi vainqueurs. En 1985, le Californien Tom CURREN devient champion du Monde professionnel après l’avoir été chez les amateurs. La fluidité de son style va influencer une génération. Il récidivera en 1986 et 1990. En 1986, le Français Vétéa DAVID devient champion du Monde Junior et le Brésil première Nation au Monde par le nombre de ses pratiquants. En 1989, il y a 25 compétitions dans le circuit A.S.P. dont trois en France (LACANAU, HOSSEGOR et BIARRITZ). Le Journal Sud-Ouest crée sa triple-crown, le SUD-OUEST-SURF-TROPHY dont le premier vainqueur est Tom CURREN. Au même titre qu’Hawaï vis à vis des U.S.A., Tahiti obtient un statut sportif indépendant. Le tahitien Heifara TAHUTINI fête l’évènement en devenant champion du Monde amateur, en 1990 au JAPON. La bodyboardmania déferle sur la France. La petite planche en mousse crée par Tom MOREY en 1971 facilite l’accés à la glisse puisqu’on y reste allongé. En réaction, on assiste à un renouveau du long-board comme retour à l’authenticité et un circuit mondial se met en place en 1988, remporté par le vétéran Nat YOUNG. Une compétition réservée au Big-Wave Riders est crée à Waïméa à la mémoire du légendaire Eddie AÏKAU, disparu en mer lors d’un héroïque sauvetage. Avec trois victoires dans le Pipe-Masters, Tom CARROLL rentre dans l’histoire et après Butch VAN ARTSDALEN, Jock SUTHERLAND, et Gerry LOPEZ, devient le 4ème Mister Pipeline. La machine à shaper se généralise signant à plus ou moins long terme la mort du shape artisanal. Malgré un développement des sports de “glisse” (terme inventé par le français Yves BESSAS dans les 70’s), le circuit A.S.P. se rétrécit comme une peau de chagrin, ne comptant plus en 1992 que 11 épreuves. Cette même année la France organise les championnats du Monde amateur à LACANAU. Le Bodyboardeur Nicolas CAPDEVILLE est sacré champion du Monde, l’Equipe de France est sixième par équipe et Jacques HELE, Président du Lacanau Surf Club se voit confier les rênes de l’I.S.A. Succédant au consensuel Tom CURREN, le floridien Kelly SLATER décroche le titre professionnel 92 dans une surmédiatisation frôlant l’indécence. Son surf acrobatique va entraîner un phénomène de mode sans précédent. Cependant en 1993, Derek HO va enfin offrir à Hawaï sa première couronne mondiale, insufflant dans un circuit A.S.P. parfois peu crédible, un zeste d’authenticité des plus rafraîchissants, mettant enfin provisoirement un terme à l’hégémonie des surfeurs australiens et américains sur le circuit pro. SLATER confirme ses extraordinaires qualités en remportant à nouveau ce titre en 1994, 1995, 1996, 1997 ,1998. En empochant la couronne mondiale à six reprises, SLATER pulvérise le record établi par Mark RICHARDS. En 1995, la distinction Amateur-Professionnel tombe et l’A.S.P. doit composer avec l’I.S.A. (International Surfing Association présidée par le français de Jacques HELE) qui espère voir le Surf faire son apparition olympique aux jeux de Sydney en l’an 2000. Les espoirs seront malheureusement déçus. Les médias proposent une image ultra restrictive de la pratique, celle de la compétition. Une alternative se manifeste de plus en plus précisément avec le retour en force du Big Wave Riding. En 1998 le plus gros swell de l’histoire touche le NORTH SHORE, la trilogie WAIMEA BAY (Hawaii, Oahu) , MAVERICKS (Californie, San Francisco) , TODOS SANTOS (Mexique, Basse Californie) est le lien de tous les challenges et du K2 challenge que remporte l’américain Taylor KNOX sur une vague dantesque à TODOS SANTOS. Les concavités de TEAHUPOO à TAHITI concurrencent désormais celles de PIPELINE. Incontestable pionnier du TOW-IN(surf tracté) l’hawaïen Laird HAMILTON, dans cette folle spirale va définitivement clore la surenchère en prenant le 17 août 2000 une vague phénoménale, sûrement la vague de l’an 2000, sans doute la vague du siècle. En 2000, quelques maudites secondes de trop, privent le français Fredéric ROBIN du titre mondial sur la plage de Maracaïpe au Brésil. En février 2001,Mickaël PICON au Brésil est le premier français à remporter une épreuve W.Q.S, et de prendre provisoirement la tête du circuit PRO.. Les sports de glisse aquatiques sont devenus comme beaucoup d’autres activités de nature, l’enjeu d’intérêts économiques rivaux qui oublient parfois les valeurs prônées par le mouvement sportif. Dans ce contexte, la tâche de la FÉDÉRATION FRANCAISE DE SURF (crée en 1964) se complique d’année en année, l’obligeant à une perpétuelle évolution. Le mot “SURF” devient générique s’appliquant aussi bien à l’opportunisme politique qu’à la planche à voile ou à une forme nouvelle de ski sur neige…
L’avenir dira s’il s’agit d’un effet de mode ou d’une évolution plus profonde et durable qui espérons-le, ne reniera jamais tout à fait son essence : un jeu fabuleux entre l’homme et la vague, une conquête de l’inutile …
D’après Baptiste DUPOUEY – 2001